Steve Taylor, Leeds Beckett University
L’un des plus grands problèmes de l’humanité est que les gens qui occupent des postes de pouvoir sont souvent incapables d’utiliser leur pouvoir de manière responsable. Par le passé, cela résultait principalement des systèmes héréditaires qui accordaient le pouvoir aux rois, aux seigneurs et à d’autres qui n’avaient pas forcément la capacité intellectuelle ou morale de bien user de leur statut. De nos jours, le pouvoir semble attirer des gens insensibles et narcissiques qui manquent cruellement d’empathie et de conscience.
En psychologie, on parle de la « triade noire » des traits de personnalité maléfiques : la psychopathie, le narcissisme et le machiavélisme. Ces traits sont étudiés ensemble, car ils se superposent et se combinent presque toujours. Si quelqu’un présente des traits psychopathiques, il a généralement aussi des traits narcissiques et machiavéliques.
Les gens qui ont ces types de personnalités sont incapables de percevoir les sentiments des autres ni de voir le monde d’un autre point de vue que le leur. Ils n’ont pas de sentiment de culpabilité ni la conscience nécessaire pour se retenir de se comporter de manière immorale. Ils se sentent supérieurs et ont tendance à vouloir manipuler et contrôler les autres. Ils ont aussi besoin de se sentir respectés et admirés et aiment être le centre de l’attention.
Plusieurs éléments indiquent que les gens dont la personnalité est de type triade noire sont attirés par le monde de l’entreprise et de la politique. Des études montrent que les personnes avec des traits narcissiques et psychopathiques ont un fort désir de domination et sont disproportionnellement nombreuses à occuper des postes de direction.
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Pour reprendre les propos des psychologues Niklas Steffens et Alexander Haslam, comme des papillons de nuit par une flamme, les narcissiques peuvent être naturellement intéressés par les positions de pouvoir et d’influence. Ou encore, comme l’écrit le psychologue Robert Hare à propos des psychopathes, ce sont des prédateurs sociaux et, comme tous les prédateurs, ils sont à la recherche de terrains de chasse. On les retrouve partout où il y a du pouvoir, du prestige et de l’argent.
Les dirigeants les plus maléfiques du XXe siècle, comme Staline, Hitler, Mao Zedong, Pol Pot, Saddam Hussein et le colonel Kadhafi, possédaient de toute évidence de forts traits de la triade noire. Ils ne sont pas devenus dirigeants grâce à leurs compétences ou à leur intelligence, mais simplement parce qu’ils avaient un énorme désir de pouvoir et qu’ils étaient particulièrement impitoyables et cruels dans leur quête.
De nombreux politiciens actuels semblent également présenter des traits psychopathiques et narcissiques. Il est facile de repérer ces dirigeants, car ils sont autoritaires et adeptes de la ligne dure. Ils ont tendance à saboter la démocratie, à réduire la liberté de la presse et à réprimer la dissidence. Ils sont obsédés par le prestige national et persécutent souvent les groupes minoritaires. Et ils sont toujours corrompus et dépourvus de principes moraux.
Narcissiques et sociopathes
Dans les pays démocratiques comme le Royaume-Uni et les États-Unis, on pourrait croire que les risques que des personnes psychopathes se retrouvent à la tête du pays sont faibles. Mais il est toujours possible que des personnes fortement narcissiques, impitoyables et non empathiques accèdent au pouvoir. La présidence de Donald Trump en est la preuve.
Comme de nombreux professionnels de la santé mentale, la nièce de l’ancien président, Mary Trump — une psychologue clinicienne — considère que M. Trump souffre de plusieurs troubles de la personnalité. Elle affirme que son principal problème est un grave narcissisme, mais aussi qu’il répond aux critères du trouble de la personnalité antisociale, qui, dans sa forme sévère, est généralement perçu comme de la sociopathie.
Au fil du temps, à mesure que des personnes sensées et responsables quittaient son administration, Trump en attirait d’autres avec des traits de personnalité semblables aux siens. C’est ainsi que son régime est devenu ce que le psychologue polonais Andrzej Łobaczewski a appelé une « pathocratie » — un gouvernement composé d’individus souffrant de troubles de la personnalité. Au Royaume-Uni, plusieurs politiciens de premier plan montrent également des signes de narcissisme, d’impitoyabilité et de manque d’empathie. Cela pourrait indiquer une tendance vers la pathocratie.
Le fond du problème est que les gens durs et peu empathiques sont attirés par le pouvoir, alors que ceux qui sont empathiques et responsables (qui pourraient faire d’excellents dirigeants) ne ressentent pas de désir de domination et préfèrent généralement faire du travail de terrain en interaction avec d’autres personnes. Cela laisse le champ libre aux individus maléfiques qui souhaitent occuper des postes de pouvoir.
Que peut-on faire ?
Comme d’autres personnes qui ont étudié le problème de la « psychopathie d’entreprise », le psychologue australien Clive Boddy a proposé que les entreprises évaluent si les candidats à la direction souffrent de psychopathie. Selon moi, nous devrions faire quelque chose de similaire en politique. Chaque gouvernement (chaque organisation) devrait employer des psychologues pour évaluer les aptitudes au pouvoir de ceux qui souhaitent les diriger.
Un test de personnalité ne serait pas très utile, car les personnalités de la triade noire sont manipulatrices et malhonnêtes. Mais on pourrait avoir recours à d’autres examens. Il est largement admis qu’il existe des signes de traits de la triade noire dès l’enfance, tels que l’insensibilité, la cruauté et le manque d’empathie, de culpabilité et d’émotion. Les psychologues pourraient donc examiner l’histoire de vie du candidat, en interrogeant ses anciens superviseurs et collègues de travail. Ils pourraient également s’entretenir avec d’anciennes connaissances, d’anciens enseignants ou professeurs.
Certains diront que cela donnerait trop de pouvoir aux psychologues, qui deviendraient des faiseurs de roi — et pourraient être vulnérables à la corruption. Si cela n’est pas faux, cela demeure préférable à la situation actuelle, où rien n’empêche les personnes présentant des traits narcissiques et psychopathiques d’accéder au pouvoir et d’en faire un usage malveillant.
Steve Taylor, Senior Lecturer in Psychology, Leeds Beckett University
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.